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Projet ANR URB(EX)3

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Projet ANR URB(EX)3:

URBAN EXPLOSIONS: EXPERTISE AND EXPERIMENTS

Expérimentations et modélisation rapide pour les explosions en milieu urbain.

Beyrouth, un an après…

En ce moment même, la communauté internationale commémore le premier anniversaire de l’accident tragique qui a endeuillé Beyrouth. Les chiffres de cette catastrophe (une des plus grosses explosions non nucléaires de l’histoire) sont éloquents : 218 morts, près de 6 500 blessés et des dégâts estimés à 4 milliards d’euros [1].

Auteurs : Naeblys et inception-D

Cet accident montre que les explosions en milieu urbain ou périurbain constituent toujours un risque majeur pour les populations et les infrastructures, quelle que soit l’origine de l’explosion : fuite de gaz (explosion de la rue de Trévise à Paris, le 12 janvier 2019), accident industriel (AZF le 21 septembre 2001, Beyrouth, etc.) ou attentat (Oslo le 22 juillet 2011).

Évaluer les risques

Les effets d’une explosion sont de trois types :

  • une onde de souffle aérienne, dont la surpression va induire des effets sur les structures et les êtres humains (blessures « primaires » pour les effets directs et blessures « tertiaires » lors de l’impact du corps projeté par l’onde de souffle),
  • la projection de fragments (issus du voisinage immédiat de l’explosion ou bien mis en mouvement par l’onde de souffle), causant les blessures « secondaires » liées au souffle,
  • des effets thermiques liés à la « boule de feu », dont les conséquences sur l’être humain font partie des blessures dites « quaternaires ».

En zone urbaine, les fragments directs sont rapidement arrêtés par les bâtiments voisins de l’explosion et les effets thermiques sont généralement très localisés. Les effets de suppression peuvent par contre créer des dommages jusqu’à des distances importantes : 80% des blessures proviennent des éclats générés par la rupture de vitrages, qui sont sensibles à de très faibles surpressions et peuvent donc se briser à une grande distance du lieu de l’explosion.

L’évaluation des risques liés aux explosions se heurte à une difficulté fondamentale : la détermination rapide des zones de danger repose sur des cercles d’isodommages calculés « en terrain nu et plat », qui ne prennent donc pas en compte l’influence du milieu urbain :

  • les canyons urbains (rues bordées d’immeubles) canalisent les effets de l’onde de choc aérienne et conduisent à des distances de danger excédant notablement les prédictions en champ libre,
  • les réflexions multiples de l’onde sur les parois des bâtiments augmentent également les zones de danger,
  • le contournement des immeubles par les côtés ou par le haut induit au contraire des diffractions de l’onde qui vont réduire les effets vulnérants.

Dans tous les cas, appliquer en milieu urbain les approches simplifiées de cercles d’isodommages (également utilisées pour calculer les zones d’effet de surpression pour les Plans de Prévention des Risques Technologiques) ne va pas dans le sens de la sécurité…

La solution généralement retenue pour évaluer précisément l’effet des explosions en milieu complexe repose sur l’utilisation de codes de calcul numériques 3D. Le recours à de tels outils présente toutefois plusieurs inconvénients, qui limitent leur efficacité à l’étude du champ proche de l’explosion :

  • ils nécessitent des moyens importants (supercalculateurs) et des compétences techniques spécifiques pour les mettre en œuvre,
  • les calculs peuvent prendre des jours ou des semaines, y compris lorsqu’ils sont lancés sur des clusters de plusieurs centaines de processeurs,
  • certaines limitations intrinsèques des codes numériques rendent en pratique impossible le calcul précis des surpressions à longue distance, et donc le calcul des zones de danger.

Une autre voie, plus complexe (et beaucoup plus hasardeuse !), consiste à développer des modèles analytiques rapides mais suffisamment précis, capables de prendre en compte les caractéristiques du tissu urbain (issu par exemple de données IGN ou OpenStreetMap)… Cette approche a été utilisée par l’auteur, à l’époque au CEA/DAM/Gramat, en collaboration avec Richard Soulié (actuellement au CETID [2]) lors du développement du code FLASH [3] (cf. FLASH: Fast Lethality Assessment for Structures and Humans, 24th MABS conference, 2016), dans le cadre du projet ANR [4] DEMOCRITE. Ce code, au-delà de l’état de l’art, présente néanmoins des lacunes dont la plus fondamentale est le calcul d’une onde unique, excluant toute possibilité de restituer un signal de pression complexe combinant différentes ondes réfléchies et diffractées…

Le projet ANR URB(EX)3

Le projet URB(EX)3 est une déclinaison simplifiée du projet SIRENE, beaucoup plus exhaustif [5] mais qui n’a pas trouvé pour l’instant de financement.

URB(EX)3 se concentre sur l’étude des explosions en zone urbaine et comprend :

  • un volet expérimental qui se déroulera à l’INSA Centre-Val de Loire, site de Bourges (laboratoire PRISME), sous la direction d’Isabelle Sochet. L’équipe d’Isabelle est internationalement reconnue pour la qualité de ses expérimentations à échelle réduite, qui mettent en œuvre des charges hémisphériques ou sphériques de propane/oxygène.
  • un volet modélisation, qui sera piloté par APEX solutions (en charge également de la coordination globale du projet) avec une approche totalement différente de celle retenue pour FLASH, et à notre connaissance jamais évoquée dans la littérature. Cette approche innovante a été partiellement validée par des travaux préliminaires menés sur fonds propres.

L’objectif du projet est très ambitieux : le modèle URB(EX)3 devra calculer en une minute environ (pour une zone d’étude de 300 m de rayon), sur un PC standard, les conséquences d’une explosion en zone urbaine, en traitant aussi bien l’onde directe que des ondes réfléchies et diffractées en nombre quelconque. Le modèle sera intégré dans une déclinaison de la plateforme DEMOCRITE par la société IT Link, qui en a déjà réalisé la première version. Les expérimentations menées à Bourges permettront de quantifier les incertitudes liées au modèle, tant pour les phénomènes unitaires (diffraction, réflexion régulière, réflexion de Mach) qu’à l’échelle d’un quartier entier. Les résultats seront également comparés à des simulations numériques 3D durant le projet (code VIPER ::Blast et code DALPHADT).

Le logiciel final sera utilisable en pré-crise (entraînement, évaluation de scénarios, etc.), en temps de crise (calcul rapide de zones de danger pour l’évacuation de personnes) comme en post-crise (évaluation de la quantité d’explosif responsable des dommages observés après une explosion).

Le projet, proposé dans le cadre de l’appel générique 2021 de l’ANR, a été retenu après les deux phases d’évaluation, et bénéficiera d’un cofinancement de 316 k€. Il se déroulera sur 24 mois. Nous commencerons les travaux début janvier 2022, et nous profiterons de la fin d’année 2021 pour rédiger l’accord de consortium, réaliser le programme détaillé des expérimentations à mener, procéder aux recrutements prévus et fédérer une communauté autour du projet.

L’écosystème « explosion en milieu complexe »

Le projet URB(EX)3 a été labellisé par le pôle de compétitivité SafeCluster. Il a également reçu des lettres de soutien des principaux organismes du domaine, qui participeront au comité de suivi du projet et auront accès aux résultats détaillés des recherches ainsi qu’aux outils développés :

  • l’IRCGN (Institut de Recherches Criminelles de la Gendarmerie Nationale),
  • le LCPP (Laboratoire Central de la Préfecture de Police de Paris),
  • la société EURENCO (leader Européen des matériaux énergétiques),
  • l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire),
  • le CETID (Centre d’Expertise des Techniques de l’Infrastructure de la Défense),
  • l’INERIS (Institut National de l’Environnement industriel et des RISques),
  • Le CEA, centre de Gramat (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives).

Nous sommes également en contact avec des groupements EOD-NEDEX [6] et avec le laboratoire suisse Spiez, bien connu notamment pour ses travaux sur les explosions dans les réseaux de tunnels.

En parallèle du projet URB(EX)3, Isabelle Sochet coordonne le projet international SATURN financé par « Le Studium » (Institut d’études avancées de la vallée de la Loire), auquel APEX solutions est également associé. SATURN vise à recueillir des données expérimentales détaillées à différentes échelles sur les explosions en milieu urbain afin de valider les codes numériques et les outils simplifiés. Les autres participants sont des chercheurs renommés dans ce domaine : Samuel Rigby (Royaume-Uni), Oren Sadot (Israël), Alex Remnikov (Australie) et Ernst Rottenkolber (Allemagne). SATURN sera ainsi le complément parfait d’URB(EX)3 et nous espérons beaucoup des synergies entre les deux projets.

Nous n’abandonnons pas pour autant les autres développements prévus dans le projet global SIRENE. La thématique des explosions dans les réseaux de tunnels est abordée dans le stage réalisé chez APEX solutions par Valentin Guernion, de l’IMT Alès, en collaboration avec le laboratoire Spiez déjà cité. Les autres entreprises impliquées dans SIRENE ne sont pas en reste : IT Link travaille sur différentes technologies, dont le moteur de jeux vidéos Unity et les Google Glass Enterprise Edition 2 ; RS2N poursuit ses travaux sur le calcul numérique des explosions (détonation et postcombustion) et Wisebim a étoffé sa gamme d’outils permettant de convertir des plans 2D au format BIM… Nous ne lâchons rien !

Avec ces différents projets autour du problème des explosions en milieu complexe, nous formerons une communauté dynamique, riche d’expériences diverses et ouverte aux échanges avec l’extérieur.

Rendez-vous dès janvier 2022 !

Dès janvier prochain, nous mettrons en ligne le résumé du projet, le détail des tâches et le Gantt prévisionnel ainsi qu’une bibliographie sur les explosions en milieu urbain.

Le déroulement d’URB(EX)3 fera l’objet de billets d’actualité réguliers et d’articles détaillés sur le site d’APEX solutions, ainsi que d’articles scientifiques et de présentations dans les congrès majeurs du domaine : MABS, ISIEMS, SUSI [7]

Comme l’ANR, nous nous inscrivons dans la démarche « Science Ouverte », avec pour seule limite la protection des droits de propriété intellectuelle : « as open as possible, as closed as necessary ». La plupart de nos résultats seront donc mis à disposition de la communauté internationale sur la plateforme HAL.

N’hésitez pas à partager vos jeux de données, vos articles et vos résultats de la même manière, et à bientôt pour la suite de l’aventure !



[1] Source : https://fr.wikipedia.org/

[2] Centre d’Expertise des Techniques de l’Infrastructure de la Défense

[3] Flash Lethality Assessment for Structures and Humans

[4] Agence Nationale de la Recherche

[5] SIRENE couvrait les explosions en milieu urbain, dans les bâtiments et dans les réseaux de tunnels (ainsi que les couplages entre ces milieux) et traitait les effets de souffle, les projections, les effets thermiques (y compris pour les accidents industriels de type BLEVE) et la propagation de pression quasi-statique. La récupération de données géométriques (villes et bâtiments) par des méthodologies innovantes était également incluse dans le projet, de même que des validations complètes par expérimentations à échelle réduite et simulation numérique 3D.

[6] Explosive Ordnance Disposal ; Neutralisation, Enlèvement et Destruction des. EXplosifs.

[7] Military Aspects of Blast and Shock, International Symposium for the Interaction of Munitions with Structures, Structures Under Shock and Impact.

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